Troisième volet de notre saga de la presse où cette fois, après avoir étudié l’apparition de la presse écrite sous la forme des Acta Diurna (lire notre premier article) et l’évolution de l’information écrite au moyen-âge, truffé de fakes au bénéfice des seigneurs et du clergé, (lire notre second article) nous allons faire une pause-arrêt sur Johannes Gutenberg, inventeur de l’imprimerie qui a permis, entre autres, l’organisation et la périodicité d’une presse écrite plus intense, à la fin du moyen-âge et durant la période de la Renaissance.
L'imprimerie, déclencheur d'une presse écrite, organisée et périodique
Johannes Geinfleisch zur Laden zum Gutenberg, appelé plus simplement Gutenberg, était né dans une famille de la haute bourgeoisie (son père était orfèvre et commerçant en étoffes) à Mayence dans le Saint-Empire romain germanique vers 1400 où il mourut en 1468. Il devint célèbre grâce à son invention des caractères métalliques mobiles en imprimerie, véritable révolution à l’époque qui a eu des conséquences très positives sur la reproduction des textes et la diffusion du savoir en Europe.
Le premier livre imprimé par Gutenberg, la Bible
Les intellectuels et les universitaires avaient un besoin constant : celui que leurs écrits soient reproduits en grand nombre. Les moulins à papier (moulins à eau servant à la fabrication du papier) se développèrent. En 1451, les frères Gallizani, piémontais, s’installaient en Suisse à Bâle et y importent (ainsi qu’en France) leur technique de fabrication de papier d’imprimerie qui revient beaucoup moins cher que le papier de chancellerie, utilisé alors.
Entretemps, Gutenberg s’associe au banquier Johann Fust (1400-1466) qui rédige un contrat très élaboré très à son avantage, avant de lui avancer 800 florins, somme très importante pour l’époque.
L’ouverture de nouvelles écoles, les besoins sans cesse décuplés des bibliothèques et des universités qui se développent, motivèrent Gutenberg, alors à Strasbourg, carrefour commercial et intellectuel européen, à trouver des nouvelles techniques et à perfectionner son invention pour reproduire et multiplier les textes, et ainsi, abaisser es prix des livres en répartissant les coûts de fabrication sur plusieurs exemplaires.
1- Il améliore sa technique de production des caractères d’imprimerie en métal interchangeables et égaux
2- Il invente la presse à bras alors que l’imprimerie utilisait jusqu’alors un frotton
3- Il utilise une nouvelle encre d’impression, à base d’huile de lin et de pigments de résineux au contraire des copistes se servant d’une encre à eau.
Grâce à ces nouveaux outils, Gutenberg et ses ouvriers, dont Pierre Schoeffer (1425-1503) son associé, (ce dernier témoignera contre Gutenberg lors de son procès contre Johann Fust dont il épousera la fille, Christina, en 1466) impriment de petits documents, des poèmes, la grammaire latine de Donat (310-380), le calendrier turc (Türkenkalender). Ils impriment également les lettres d’indulgence pour l’Eglise.
Pour couvrir leurs frais conséquents, Gutenberg et son créancier, Fust, doivent sélectionner l’impression d’un livre dont le tirage conséquent leur permettrait de recouvrir les sommes engagées. Ils choisissent la Bible dans sa version en latin de Saint Jérôme (347-420), la Vulgate. Pour davantage de succès, Gutenberg décide d’imiter la mise en page des livres manuscrits.
Alors qu’un copiste mettait trois années entièrement pour recopier une Bible, Gutenberg imprima 180 exemplaires de la Bible en l’espace de… trois années.
Les temps de la désillusion
Les recettes ne sont pas malheureusement pas suffisantes pour couvrir les frais et en 1454, le créancier de Gutenberg, Johann Fust, avance de nouveau de l’argent dans l’affaire. Il est en même temps fâché contre Gutenberg qui lui avait promis fortune et succès. Les bibles ne donnent pas le résultat escompté.
Fust décide alors de porter plainte contre Gutenberg et gagne son procès, forçant ce dernier à laisser son atelier à son créancier.
Johann Fust, avec Pierre Schoeffer, continuent l’entreprise et réussissent assez bien, notamment dans l’impression en noir et rouge du Psalmorum Codex, parue le 14 août 1457 où l’on remarque une qualité d’impression inégalée et la régularité de la fonte des caractères.
Les deux associés, Fust et Schoefer, décident alors de se diversifier en tablant sur des éditions de moindre ampleur et plus faciles à vendre. Ils déménagent à Paris où, en 1463, l’imprimerie n’existe pas encore. Schoefer ne profitera pas de son succès, car il meurt trois ans plus tard en 1466 en ayant toutefois vu l’installation massive d’imprimeurs d’origine allemande à la rue Saint-Jacques.
Ruiné, Gutenberg, pour sa part, essaie de relancer un atelier d’imprimerie en réimprimant une édition de la Bible dans la ville de Bamberg. Il compose également le dictionnaire Catholicon, de 744 pages, qu’il imprime en 300 exemplaires, ceci en 1460.
On retrouve Gutenberg en janvier 1465 dans un modeste hospice de Mayence. Il est nommé gentilhomme auprès de l’archevêque de Mayence, Adolphe II de Nassau (1422-1475), et bénéficie alors d’une rente et de divers avantages en nature. Il meurt le 3 février 1468, méconnu par ses contemporains et est enterré dans un cimetière de Mayence détruit plus tard.
L’invention de l’imprimerie, une véritable révolution culturelle
L’invention de l’imprimerie est considérée comme l’un des éléments clefs qui a façonné la Renaissance et l’époque moderne en Europe. Toutefois, il convient de noter que le développement de la presse écrite fut considérablement ralenti par l’analphabétisme, présent dans toute l’Europe, et par le coût souvent prohibitif de l’impression.
Le savoir, avec l’imprimerie, n’est plus seulement réservé aux clercs. L’accès à la connaissance a incontestablement développé le partages des idées, l’esprit critique et l’humanisme.
Véritable révolution culturelle qui s’étend à toute l’Europe, et tout spécifiquement l’Italie et les Pays-Bas, l’invention de l’imprimerie a permis de rendre le livre public et de multiplier les ateliers d’imprimerie dans les villes commerçantes et universitaires, entraînant ainsi la production des livres. Elle a aussi facilité l’apparition d’une presse écrite organisée et périodique.
Le quatrième volet de l’histoire de la presse s’intéressera aux premiers périodiques parus à la fin du moyen-âge et leur développement durant la Renaissance.
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